A Cannes, anthologie des corps sans clichés

Sous l’égide du chorégraphe belge Frédéric Flamand, le festival biennal mélange les genres.

Le festival de danse de Cannes, cadet de celui du cinéma, réinjecte du corps vivant dans une époque dominée par l’image. Sous la direction artistique de Yorgos Loukos, il a d’abord pris un rythme biennal et conquérant. Frédéric Flamand, directeur du Ballet national de Marseille, le remplace pour les biennales 2011 et 2013. Le chorégraphe et metteur en scène belge explore un thème cher, celui des « nouvelles mythologies ». Toujours fasciné par l’accélération, « en ce temps, dit-il, où le journal du jour est déjà périmé », celui qui bidouilla dans le groupe Plan K avec les vieux moyens du théâtre (aux côtés de Bob Wilson, William Burroughs ou Charlemagne Palestine) s’accroche au corps, « jusqu’à nouvel ordre la première instance qui nous permet d’habiter le monde ».

Bistouri. D’un spectacle à l’autre, de la technique classique développée et parfois détournée par Edouard Lock et ses danseurs virtuoses à la simple course des seniors, mise en danse par Thierry Thieû Niang pour un Sacre du printemps au deuxième souffle de la vie, il y a toute matière à retrouver ce qui est spécifiquement humain. Dans cette dernière expérience, que le chorégraphe a menée avec des amateurs, il est autant question d’un vécu partagé que d’un spectacle. La vieillesse y est chose naturelle, loin des coups de bistouri de la chirurgie esthétique qui impose un masque unique pour tous, celui de la plus hideuse vieillesse.

Dans cette perspective, le flamenco d’Andrés Marin, au-delà des codes, est un bel espoir. Avec lui et ceux de sa génération, comme Israel Galván, la danse traditionnelle n’est plus affaire de puriste et le flamenco est devenu une des formes de danse contemporaine. Il suffit de le voir œuvrer au milieu de cloches, assurant dans un tintamarre étudié une chorégraphie raffinée et franche par son dessein dans l’espace, pour comprendre que le flamenco a définitivement quitté l’arène touristique. Une batterie de pieds impeccables, des bras et mains qui doivent aux grandes dames de la discipline, un clin d’œil au répertoire basque avec les cloches des bergers : Andrés Marin réinvente chaque jour la danse dans laquelle il a baigné dès sa naissance.

Comme pour faire écho aux indignés, aux résistants de tout acabit, soulèvements et insurrections rythment les danses de groupe de l’Israélien Hofesh Shechter ou le Sacre du printemps noir d’Heddy Maalem, puissant et meurtrier.

Libertins. Et pour couronner le tout, un dernier sacre en quelque sorte, les délurés politiques de La Zouze se la jouent mutins et libertins. Ils occupent pour une soirée (le 26) le salon des Ambassadeurs du Palais des festivals avec Evelyne House of Shame pour une fête en musique.

Marie-Christine Vernay - Libération - 25 novembre 2011

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