Au bois dormant

Les larmes coulent dedans

C’est un spectacle sur l’autisme. Ou plutôt sur la douleur qu’il y a à aimer ceux qui ont décroché, ceux qui vivent de l’autre côté de la raison, de la communication, de la verbalisation. Sans jamais juger des causes, des conditions et des traitements possibles des maladies mentales évoquées.

« Au bois dormant » propose des passerelles, des voies d’accès, modestes et réelles.

Pour cela ils s’y sont mis à quatre : la pièce se présente sous la forme d’un trio hétérogène, dirigé par le regard discret de Patrice Chéreau.

Mais le cœur du spectacle, où tout bat, où tout visiblement a pris naissance, réside dans le corps vibrant de Thierry Thiêu Niang. Il a passé des mois avec des adolescents autistes et y a fabriqué une gestuelle inédite, non pas calquée sur leurs gestes mais s’en inspirant, les transcendant, donnant à voir leurs douleurs, leurs blocages mais surtout leurs aspirations.

Le texte de Marie Desplechin, lui aussi bouleversant, se parle à la première personne, débute par une expérience intime de la séparation d’avec un être aimé, enfermé à l’intérieur d’un pavillon psychiatrique, alors qu’elle reste « enfermée à l’extérieur ».

Après avoir livré cela, elle raconte sa rencontre avec Thierry, avec les autistes, puis établit lentement un rapport au conte, à la métamorphose finale, le baiser magique qui rend les crapauds à leur humanité...

Questions de frontières encore, mais de passage aussi et du bonheur qu’il y a à les franchir, même temporairement, imperceptiblement.

La musique de Benjamin Dupé ouvre la pièce, mais l’accompagne aussi tout au long entrant en vibration avec le corps du danseur, lui donnant ses impulsions, y puisant les siennes et tissant de sa guitare, avec brio et émotion, un univers sonore de glissades et de secousses, strident puis doux, jamais calmé. Car le plus beau encore sont les rares moments de rencontre entre les solitudes des trois acteurs : quand Thierry touche Marie, que Marie le nomme, que Benjamin et Thierry se voient, se répondent. Ou encore quand dehors un quatrième corps se met à danser, inattendu, dans le bois réel qu’on apercevait derrière la vitre. Une passerelle encore, une porte fermée qu’on va ouvrir et qui comme l’arrivée d’un Prince Charmant, remettra d’aplomb le bois couché qui jusque là servait de sol à la danse.

Agnès Freschel - Janvier 2009

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