Au bois dormant
Marie Desplechin & Thierry Thieû Niang
Au centre de la salle mise à disposition par l’hôpital d’Aix-en-Provence, le chorégraphe et danseur Thierry Thieû Niang et l’un des quatre adolescents autistes non-verbaux qui participent à ses ateliers d’improvisation.
Assise dos au mur à l’autre bout de la salle, se faisant oublier du mieux qu’elle peut, Marie Desplechin assiste à ce qui se déroule sous ses yeux : deux personnes qui s’apprivoisent, jour après jour ; un neurotypique qui cherche à entrer en contact avec un autiste ; un adulte qui laisse un ado venir à lui en toute liberté, à son rythme, selon son envie ; deux êtres humains qui tentent de construire une passerelle, de trouver un point de rencontre par la danse et l’expression corporelle.
Parfois, rien ne se produit de toute l’heure. Parfois, il n’en sort qu’un geste infime, un sourire à peine esquissé, qui sont déjà des petites victoires. Parfois aussi, la magie opère, le miracle s’accomplit en une danse qui laisse dire au corps tous les mots qui ne peuvent être exprimés oralement. Le corps devient mode d’expression primaire, langage gestuel commun. S’ébauche alors une forme d’échange entre les deux mondes.
Écrit à quatre mains, Au bois dormant est un texte empreint de poésie, où en peu de pages, Marie Desplechin et Thierry Thieû Niang parviennent à transmettre les émotions fortes qui les submergent lors de ces sessions.
Chacun son tour, chacun à sa manière, avec ses mots, sa sensibilité et son historique personnel, ils rendent compte de cette expérience intense qui les renvoie chacun à un épisode bouleversant de leur passé : elle à cette période de sa vie où elle rendait régulièrement visite à un proche, interné en psychiatrie ; lui, à un amour qui vit ses derniers instants.
Ils montrent aussi que l’isolement, le silence, l’enfermement ne sont pas une fatalité pour les autistes. Pour peu qu’on s’en donne la peine, à force de patience et d’écoute, d’attention à l’autre et de respect des individualités, sans jamais rien attendre en retour, il est toujours possible de fissurer les murs (à défaut de les faire tomber) et de se frayer un passage pour accéder jusqu’à eux.
À noter qu’en 2008, ce texte a donné lieu à un spectacle mis en scène par Patrice Chéreau et en musique par Benjamin Dupé.
The autist reading - 28 mars 2019
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