Jean-Luc Lagarce
« Nous devons préserver les lieux de la création, les lieux du luxe de la pensée, les lieux du superficiel, les lieux de l’invention de ce qui n’existe pas encore, les lieux de l’interrogation d’hier, les lieux du questionnement. Ils sont notre belle propriété, nos maisons, à tous et à chacun. Les impressionnants bâtiments de la certitude définitive, nous n’en manquons pas, cessons d’en construire. La commémoration elle aussi peut être vivante, le souvenir aussi peut être joyeux ou terrible. Le passé ne doit pas toujours être chuchoté ou marcher à pas feutrés. Nous avons le devoir de faire du bruit. Nous devons conserver au centre de notre monde le lieu de nos incertitudes, le lieu de notre fragilité, de nos difficultés à dire et à entendre. Nous devons rester hésitants et résister ainsi, dans l’hésitation, aux discours violents ou aimables, des péremptoires professionnels, des logiques économistes, les conseilleurs payeurs, utilitaires immédiats, les habiles et les malins, nos consensuels seigneurs. Nous ne pouvons nous contenter de notre bonne ou mauvaise conscience devant la barbarie des autres, la barbarie nous l’avons en nous, elle ne demande qu’à nous ravager, qu’à éclater au plus profond de notre esprit et fondre sur l’Autre.
Nous devons rester vigilants devant le monde, et rester vigilants devant le monde, c’est être encore vigilants devant nous-mêmes. Nous devons surveiller le mal et la haine que nous nourrissons en secret sans le savoir, sans vouloir le savoir, sans même oser l’imaginer, la haine souterraine, silencieuse, attendant son heure pour nous dévorer et se servir de nous pour dévorer d’innocents ennemis. Les lieux de l’Art peuvent nous éloigner de la peur et lorsque nous avons moins peur, nous sommes moins mauvais. »
Représentations & évènements à venir
25 février 2025 27 février 2025 à 20H00
Ovni rêveur, le corps éparpillé dans la têteThéâtre de Lorient