On a revu La Douleur avec Domi­nique Blanc, et c’est encore plus beau

La Douleur

Photo : Simon Gosselin

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Elle ressemble de plus en plus à Margue­rite Duras elle-même, n’hé­si­tant pas à se vieillir sur scène pour reprendre seule en scène le spec­tacle de Chéreau auquel elle tient tant. Les mots de Duras, orga­niques, claquent toujours autant, avec le génie du vécu qui trans­pire à chaque phrase : « Je sais tout de ce qu’on sait quand on ne sait rien » dit cette femme, M., en atten­dant l’homme de sa vie de retour de la guerre, tout en en aimant un autre. « En mourant, je ne le rejoins pas, je cesse de l’at­tendre. » Quel écri­vain a pu expri­mer aussi bien le supplice de l’at­tente, à part Robert Antelme juste­ment, l’au­teur de L’Es­pèce humaine ? La Douleur, Domi­nique Blanc en mange­rait comme la pomme qu’elle découpe en quar­tiers sur la table où elle est assise et qu’elle ne touchera pas. Elle la vit de toute sa chair.

Duras, une gifle histo­rique dans un texte terras­sant d’hu­ma­nité

Mais il n’y a rien de dolo­riste dans cet extra­or­di­naire périple en soli­taire, bien au contraire, une urgence vitale perma­nente, portée par l’ex­tra­or­di­naire adap­ta­tion du texte qu’en a fait Thierry Thieû Niang, qui passe comme un souffle en 1h15. Tout y est « vivant » comme le cri de cette femme quand elle apprend le retour de son mari, de la bouche d’un certain… François Mitter­rand. Car en plus des gestes du quoti­dien et de l’inquié­tude force­née pour celui qu’elle aime, Margue­rite Duras signe aussi un grand texte poli­tique qui résonne toujours plus aujourd’­hui. Des « char­niers à nos pieds, ici en Europe, pas en Amérique » jusqu’à la colère inat­ten­due contre De Gaulle : « A la mort de Roose­velt, il a décrété un deuil natio­nal, mais pour les dépor­tés, rien, pour le deuil du peuple, rien  ! » . A l’heure de notre crise démo­cra­tique, les gifles histo­riques de Duras font encore plus mal. Jusqu’au retour de l’être aimé attendu, décharné, défé­quant sans force. Duras, c’est du concret, donc du théâtre. On ne se souvient pas avoir entendu un témoi­gnage aussi puis­sant sur le retour misé­rable et mira­cu­leux des camps, et l’amour d’après l’amour qui s’en suit, bien loin d’être un sujet secon­daire de la pièce. Comme on ne se souvient pas avoir vu une comé­dienne incar­ner ce qu’il y a de plus humain sur une scène de théâtre avec autant de force et d’hu­mi­lité, portant chacun de ses gestes par la choré­gra­phie précise de son metteur en scène, et chaque mot pour conju­rer le mort au présent. La rencontre excep­tion­nelle entre un texte majeur, un grand rôle et une immense comé­dienne.

Luc Hernandez - Exit Mag - 29 septembre 2022

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