Thierry Thieû Niang

À bas bruit

« Avec ma main brûlée, j’écris sur la nature du feu ». Flaubert

Trouver cette résistance à ce qui aujourd’hui, de façon si violente, mais aussi à bas bruit, détruit les liens, et les vies. Mon présent est déchiré et il me - nous - faut du courage pour ne pas lâcher « l’espoir d’un jour » comme disait Canguilhem.
Un jour + un jour + un autre jour…

Continuer, non parce que, dans une illusion de toute puissance, on peut continuer comme si de rien n’était, mais précisément « parce qu’on ne peut pas. »

Mais quand même, continuer, là où l’on se trouve – c’est cela le miracle possible.

Et nourrir les liens, les alliances de pensée et de travail, du vivre.

Accepter que l’on ne peut pas tout, que l’on ne peut rien, si rien n’advient à soi, si on ne peut plus en soi accueillir le monde...

En 1940, Walter Benjamin, considérant le tableau de Paul Klee intitulé « Angelus Novus », décrit l’image de cet « Ange de l’histoire » : « Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. [...] Il a le visage tourné vers le passé. Là où se présente à nous une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d’amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si forte que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l’avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu’au ciel devant lui s’accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. »

L’ange contemple un amoncellement de ruines, un paysage dévasté.
Sur ce tableau, l’ange nous fait face. Nous faisons partie de ces ruines du passé. Mais une tempête emporte vers l’avenir l’ange tendu vers le passé.
Le drame s’arrête. Immobilisé.

Penser l’art aujourd’hui, c’est le penser par rapport au monde (tel qu’il va ou ne va pas). Le travailler toujours comme une chose nouvelle, unique entre l’histoire et le temps du monde et l’instant au présent qui peut déjà dépasser l’histoire.

Prendre date de ces jours, là où nous sommes « attrapés » car quelque chose nous est « entré et arrivé » dans les corps.

Depuis des années, chaque jour, je travaille à dénouer les espaces et les identités, les territoires et les noms. Je donne un nom à chacun, à chaque être et je lui laisse sa singularité et sa complexité avec la vie du monde. Je lui trouve un geste, un mouvement, une danse qui l’apaiserait et qui le réunirait avec les autres et avec la vie, peut-être.

À chaque rencontre, je déplie un espace pluriel fait de pensées, de mouvements et de paroles venus de chacun et de tous pour accepter de vivre le fragile des transitions et de regarder les différences avec le sensible et le courage dont nous sommes capables : ce nous « Nous myriade » fait d’un singulier à un singulier, d’un particulier à un particulier. Nous est un pronom de la fragilité, du devenir.

Des théâtres aux écoles, des hôpitaux aux prisons, je rassemble des équipes composites ; je mélange des publics et des générations, des métiers et des cultures ; je travaille ce qui pourrait devenir un geste commun, un mouvement singulier du vivre ensemble.

La danse est ce travail de mise au jour de la réalité sans prétention ou exemple au définitif ou au décisif, pour ne pas oublier que nos vies personnelles et collectives doivent à la curiosité et à l’échange.

Le projet de société depuis plus de vingt ans dans ce pays n’a pas bougé.
Aucune reconstruction sensible en profondeur n’a été mise en place.
La responsabilité du politique est aujourd’hui engagée.

Le futur est à l’intérieur de nous. Le courage et la patience aussi.

Rien n’est plus grand et plus fort que l’humanité qui arrive d’un corps, d’un geste, d’un bras qui se lève ; chaque vie est irremplaçable et irréductible.

Habiter le réel, le présent, le monde. Marcher, se croiser, aller ensemble, réinvestir les gestes de la vie. La danse naît du mouvement vers l’autre. Souvent même, le mouvement se résume à se tenir debout à écouter, regarder.
La seule présence suffit. Être-là.

Au milieu de la vie - je suis là au milieu de ma vie - l’enfance revient et c’est un souffle doux et aigre. Je pense à mon père qui doit regarder le chaos et la terreur dans lesquels le pays est plongé tout entier. Je le vois serrer dans ses bras ses petits-enfants tout en regardant les images d’embarcations, les migrants et réfugiés, les enfants dans les barques ou couchés dans le sable. Je le vois regarder les massacres dans les rues, dans les villes, dans les théâtres et les cafés. Il reste muet, cœur et gorge noués. Il ne dit rien. Rien de ce présent ouvert, rien de son exil passé, de sa traversée en mer jusqu’en France du Viêt-Nam. Il ne dira rien aujourd’hui non plus.

« Ce n’est plus cette pesanteur parfois plongée dans l’heure avec toi.
C’en est une autre. C’est le poids retenant le vide qui avec toi irait.
Il n’a, comme toi, pas de nom. Peut-être êtes-vous la même chose.
Peut être me donneras-tu aussi un jour ce nom. » Paul Celan

Avec de la terre, des cailloux, des forêts, des maisons et des morts, on fait un homme. Avec des mots et des gestes aussi.

Une vie, c’est l’effort fait pour que correspondent les paroles, les gestes et les instants. C’est une succession, un labyrinthe fait de hasards, de rencontres, de chutes et de grâces reçues ou données dans le temps.

Que nous reste-il pour demain ? Une forêt obscure ? Un peuple apeuré ?
Que nous reste-il pour demain ?

« De quoi souffres-tu ?
De l’irréel intact dans le réel dévasté. » René Char

Que me reste-il demain ?
Des enfants, des femmes et des hommes, des patients, des détenus mais aussi d’autres artistes qui me font parvenir à ce Je/Nous et qui me permet de sauver de l’effacement et de la disparition des êtres et des choses.
S’engager à cet endroit du souffle, de l’âme et de la vie qui nous arrive et aller debout, ensemble dans le calme, le divers et la liberté.

Représentations & évènements à venir

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Rio de Janeiro - Brésil

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