Thierry Thieû Niang et Vincent Dissez défient la gravité à l’Étrange Cargo

Évoquer la mort c’est d’abord, toujours et surtout parler du vivant. Hybride et troublant, il jaillit sans trembler Le Grand vivant, souffle poétique parmi les ombres, terreurs et autres incertitudes qui peuplent la pièce. Guidé par les mots, le duo de danseur et comédien livre une performance émouvante et pleine de légèreté, belle présence sereine au cœur du festival Étrange Cargo. A découvrir à la Ménagerie de Verre jusqu’au 9 avril.

Les parfums d’encens flottent dans l’air et les cigales bruissent doucement quand la voix profonde de Vincent Dissez s’élève dans la demi-obscurité. Puis l’on découvre le danseur Thierry Thieû Niang qui lui fait face. Dès les prémices, les intonations du comédien et les mouvements du corps sont animés par la même délicatesse et cette générosité qui captive l’attention. L’alliance fonctionne entre lecture et danse. Écrit pour la scène par l’écrivain Patrick Autréaux, Le Grand vivant, convoque l’imaginaire collectif, né de nos entrailles, celui qui bouleverse et résonne en nous avec justesse. Il en appelle à nos souvenirs d’enfance et nos peurs secrètes, mais aussi à notre devenir. À l’approche de la maladie et de la mort, quel soin apporter aux vivants ? La menace plane dans la longue salle en sous-sol de la Ménagerie de Verre, parking ré-aménagé où l’on s’assoit en cercle, à la même hauteur que les interprètes, immergés avec eux dans ce voyage intérieur. Affronter, s’abandonner, accepter. S’il est question de deuil tout au long de la pièce chorégraphique, c’est en vue de l’apprivoiser et permettre, ou du moins, d’envisager, des formes de réparation.

Thierry Thieû Niang met en scène les élans de l’âme, là ou les sens et la raison peuvent basculer, sans jamais sombrer dans la pesanteur malgré la dimension du propos et son titre solennel. C’est d’autant plus étonnant de voir surgir une telle simplicité et cette fraicheur au fil des mots, de la musique, des mouvements dansés, de l’expression des visages. Le chorégraphe prend les tourments à bras le corps, embrasse les mauvais rêves et s’y confronte sans détours, apposant à chaque instant son empreinte aérienne et légère. La danse ne subit l’emprise d’aucune contrainte ici, elle s’exprime librement, dans le partage, à travers les moments choisis et les respirations. Quand il s’élance et voltige, de ses mouvements fluides et généreux, le danseur semble alors n’avoir pas d’âge précis ou bien être à la fois tous les âges de la vie, la sagesse mais aussi la flamme scintillante du feu follet accompagnent sa trajectoire.

Au bord du vertige, nos deux interprètes s’emparent de l’espace des possibles, c’est à deux qu’il traversent les orages, les tensions qui agitent la pièce, de la descente aux enfers jusqu’au renouveau possible. Se portant à bras levés, se tenant à la taille, aux pieds, se saisissant du regard, ils bravent l’obscurité puis les éclats de la tempête, « un cyclone sévit (…) Par la fenêtre, le narrateur regarde les bourrasques malmener le paysage », aux quatre coins et jusqu’au fond de la salle au béton brut, au plafond bas, dont la nudité quasi totale laisse entièrement le champ libre à l’imagination. Trois ou quatre éléments en tout et pour tout sur le plateau nu, un cube, un micro et un transistor, rien ne fait obstacle à la pensée. Et des images naissantes, silhouettes d’arbres, feuilles balayées par le vent, visages d’enfants au regard doux, viennent se mêler aux formes changeantes des ombres au sol.

« L’arbre c’est le moment et c’est le temps », des variétés sont esquissées au fil du récit, et parmi elles, le vieil orme est le confident et sa place est toute proche de celle du grand-père aimé. À la mort de l’ancêtre, un peu de rêve meurt aussi. Les parents sont les garants, les témoins de notre enfance nous rappelle Le Grand vivant. Une force vitale, celle qui habite les éléments naturels et les êtres simples anime le mouvement poétique au fil du « poème debout » et l’évocation de leur présence, manifestations de défunts, mangeurs de rêves ou divinités animales interroge à nouveau la portée de leur agissement sur le monde.

Flora Vandenesch - Toute la culture - 28 mars 2016

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