Rendre au monde sa poésie

Les Sonnets de Shakespeare

Photo : Bruno Levy

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Il y a des spectacles dont on n’a pas envie de voir la fin. Les Sonnets de Shakespeare, au Théâtre de Carouge, en fait partie. Jean Bellorini et Thierry Thieû Niang accompagnent 23 jeunes de 9 à 21 ans dans un moment de poésie rare.

Pendant une heure, sur la scène de la Cuisine, devant laquelle une piscine a été installée pour l’occasion, ils récitent et redonnent vie aux Sonnets de Shakespeare. Les mots du dramaturge ont beau avoir plus de 500 ans, ils résonnent avec une modernité forte, portés par un collectif de jeunes issus de divers milieux socioculturels. Ce spectacle, c’est donc la rencontre entre des adolescents, leur candeur, leur regard sur le monde et des poèmes d’amour qui figurent parmi les plus beaux jamais écrits. Poèmes d’amour, mais qui évoquent aussi la mort, la rupture, la tristesse et tant d’autres aspects parfois lourds à porter pour de si jeunes amateurs.

- La poésie du monde

La poésie est évidemment d’abord présente dans les mots. Mais ce n’est pas que ça. Ce sont aussi des mouvements, des gestes, que l’innocence de la jeunesse transmet d’une manière bien à elle. Pendant de longues minutes, le spectacle reste sans parole. Accompagnés par une musique de plus en plus bourdonnante, les comédiens se déplacent sur la scène, font le tour de la piscine, se lient et se délient… Et puis, au milieu du silence et l’immobilité, la voix d’une des plus jeunes participantes résonne, les mots de Shakespeare nous parviennent. On est au début d’une expérience inoubliable.

Autour de la piscine, parfois dedans, les 23 comédiens transposent les sonnets à leur manière, avec une fluidité traduite par les mouvements de l’eau. Tout se mêle et s’entremêle. Interprétant les mots tantôt dans leur langue maternelle, tantôt en français, ils dégagent une constante : rien ne les laisse indifférent. Dans leur regard, dans leur gestuelle, dans leurs interactions, on ressent l’émotion qu’ils transmettent au public avec une puissance difficile à retranscrire avec des mots. Certains passages se répètent comme des refrains :

Peut-être un jour quelque étoile propice
À mon amour en haillons fera-t-elle
La grâce d’un aspect, d’une parure
Qui me rendront digne de ta tendresse.
Et j’oserai alors me vanter que je t’aime,
Mais à présent je fuis, je te fuis, je me cache

(Sonnet 26)

Les gestes s’allient aux mots, les enfants plongent dans la piscine et en ressortent, comme les paroles de leurs bouches. Des moments forts émergent, comme ce passage où l’une des plus jeunes participantes chante du haut de la chaise de maître-nageur, pendant qu’une autre fait la planche dans la piscine et qu’une troisième danse dans l’ombre, au milieu des autres. La poésie prend alors tout son sens, elle est totale : dans la voix, dans la musique, dans les mots comme dans les gestes.

Alors on s’éblouit, on est embarqué, pendus à leurs lèvres. On se rend compte de ce que cette jeunesse a à nous apporter, à apporter au monde, pour lui rendre toute sa poésie. Pour cet instant hors du temps, j’aimerais dire merci. Merci à ces 23 jeunes comédiens qui ont redonné au monde toute sa poésie. Merci à Jean Bellorini et Thierry Thieû Niang pour ce superbe projet qui a offert cette opportunité à des jeunes qui n’auraient jamais pu connaître une telle expérience sans eux. Merci au Théâtre de Carouge d’avoir programmé un tel spectacle. Merci, tout simplement.

Fabien Imhof - La Pépinière - 4 novembre 2019

Voir en ligne : Retrouvez cet article sur le site La Pépinière

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