Festival d’Avignon : Au Cœur de Thierry Thieû Niang

Dans l’église gothique de la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, où, de part et d’autre de la nef, sont alignées deux rangées de chaises, le silence a pris place. Cette église a perdu son sanctuaire au XIXe siècle, et la vue s’ouvre désormais sur le Mont Andaon, le Fort Saint-André et le ciel. Magnifique prologue !

Puis, lentement arrivent et s’immobilisent les comédiens-danseurs. Une série d’objets : jouets, fleurs, jante de roue de voiture, gants de boxe et de chantier, mot : « NEON » affiché en tubes fluo par Claude Lévèque à qui on doit la scénographie, etc... jonchent le sol.

Pour ce projet, Thierry Thieû Niang a fait appel, à de jeunes amateurs de la région de huit à dix-huit ans. La rencontre a eu lieu en décembre 2015 : « C’était juste après les évènements de novembre, dit-il, j’ai cherché avec eux ces mouvements individuels et collectifs, ces élans vers le haut… Nous avons travaillé sur le poids et l’envol, chanté aussi des berceuses… ». Les textes sont de l’écrivaine vietnamienne, Linda Lê.

Pendant soixante-quinze minutes, dans un cadre hors du temps quotidien, se succèdent des tableaux poétiques, avec un chant a cappella : « L’âme se repose, la nuit la vie est belle », un instant parmi d’autres, de toute beauté.

Grâce et véracité des gestes de ces tout jeunes danseurs, musique superbe, interprétée par Robin Pharo,qui joue de la viole de gambe et qui chante : le spectacle retient, dans un silence religieux, l’attention du public. « Je trouvais intéressant de convoquer, parmi les jeunes enfants et adolescents, une matière classique, ancienne, presque lointaine », dit Thierry Thieû Niang.
Au fil des scènes, tous ces jeunes corps s’emparent de l’espace : « Pour travailler des danses comme des paysages intérieurs, abstraits, biographiques aussi. Des portraits au présent qui interrogent l’intérieur et l’extérieur, (…) ». Ils dansent en duo, mais aussi, à travers le geste chorégraphique, se combattent, s’appellent, se cherchent dans la foule, dorment, rêvent, et tombent d’amour, sous les coups, d’émerveillement, et après leur dernier souffle… Ce spectacle est proche d’une grande fresque dansée, animée par cette figure esthétique de la chute. Le rythme ne cesse de s’intensifier et l’émotion de grandir : « Un enfant joue à tomber. (…) Il se relève et recommence. (…) Il dit qu’il joue à faire le mort ! À quoi joue-t-il ? Et nous, que voyons-nous tout à coup de cette immobilité, de cette suspension ? ».

Thierry Thieû Niang nous émeut, quand il prend comme thème, l’ambivalence de cet évènement qu’est la chute d’un enfant, d’un adolescent. Touché par ce mouvement, et frappé par des images comme la photo du petit Aylan, et de jeunes corps abandonnés, échoués sur les côtes ces derniers mois, le chorégraphe et metteur en scène nous offre une création, à la fois grave et pleine d’allégresse.
Avant d’être artiste, il fut d’abord instituteur et psychomotricien. À vingt-trois ans, la danse va bouleverser sa vie et il créera ses premières pièces en 1993. Le théâtre occupera aussi une place de choix dans son parcours et il devient le complice de Patrice Chéreau pour la mise en scène de La Douleur de Marguerite Duras et pour La Nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès.

Ce spectacle tout en finesse du début à la fin, ne cesse de surprendre. Les corps dansants, le jeu poétique avec les objets, le poème proféré par la plus jeune des fillettes (huit ans), petit ange aux longs cheveux blonds, procurent aux spectateurs un moment d’émotion profonde, un souffle de légèreté et une mélancolie si nécessaires à l’âme, en ces temps sombres et si violents…

Élisabeth Naud - Théâtre du blog - 18 juillet 2016 / Photo Anne-Christine Poujoulat - AFP

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