Le bonheur du partage

Thierry Thieû Niang - Les gens de chez moi

Voilà un chorégraphe qui mériterait d’être plus connu du fait de son charisme, de sa sensibilité, de son humanité et de sa générosité. On s’en souvient, en juin 2012, il revisitait avec un groupe de danseurs amateurs seniors le Sacre du printemps de Stravinski, dans une chorégraphie simple, adaptée aux possibilités de chacun, leur conférant en outre son enthousiasme et sa joie de danser. C’est sur la même scène qu’il vient de rééditer cet exploit, mais cette fois avec des danseurs de tous âges, de 7 à 77 ans, serais-je tenté de dire, issus de tous les horizons et de tous les milieux, avec comme seule optique, celle de se rencontrer sur scène afin de créer un corps commun et de partager un agréable moment ensemble. Vous pourriez penser que les bals de quartier ont la même vocation. Eh bien, non car Thierry Thieû Niang a regroupé et canalisé ses impétrants en tenant compte de la personnalité de chacun, de ses envies, de ses besoins. Et ce qui n’aurait pu être qu’une fête de patronage s’est mué, sous son talent, en un véritable spectacle chorégraphique qui, s’il fallait le rapporter à quelque chose de connu, pourrait s’inscrire dans la lignée d’un Gallotta, tout en s’avérant toutefois plus éclectique et moins directionnel. Et ce mélange de genres parfaitement organisé se révéla non seulement fort agréable à l’œil mais surtout fort émouvant, non seulement du fait du bonheur et de la joie qui pouvaient se lire sur les visages mais aussi et surtout de l’harmonie des formes qui naissaient sous leurs pas.

Leur histoire n’est pourtant pas banale. Le but recherché par Thierry n’était ni plus ni moins que celui de redéfinir, au sein d’un même quartier, les relations entre des gens de différentes générations et de différentes cultures afin d’établir de nouveaux liens entre eux et ce, tout en créant une œuvre artistique qui puisse, de par son impact, resserrer les liens préétablis dans la population. Pari difficile qu’il gagna cependant haut la main, bénéficiant de l’expérience précédemment acquise avec les seniors. L’audition ou, plutôt, le recrutement de ses 27 danseurs se fit d’une manière aussi étonnante qu’originale, par l’intermédiaire de tracts distribués dans les boîtes aux lettres ! Et, curieusement, la grande majorité de ceux qui se présentèrent, non seulement n’était jamais montée sur scène mais encore n’avait jamais fait de danse... C’est d’ailleurs là le principal mérite de Thierry Thieû Niang : outre celui d’avoir su canaliser ce torrent d’énergie, celui d’avoir inculqué à cette joyeuse troupe l’art de se maintenir harmonieusement sur scène tout en respectant les autres, de se laisser aller et de... danser ! Des danses simples peut-être mais pleines de sincérité, d’élégance, de fluidité et d’eurythmie. Et l’on s’aperçut que l’on n’était pas obligé de faire le même geste pour être ensemble.

Sur scène donc, une pléiade de personnages, des gens de quartier de tous âges, tous différents dans leur singularité, qu’ils soient enfants ou adultes, parfois d’une même famille, qui se sont retrouvés sur scène à partager avec Thierry un univers ludique, à répondre à des propositions de jeu, à se chercher, s’attirer, s’attendre, redéfinissant les relations entre les générations. Il en est résulté un spectacle fascinant, d’une rigueur extrême dans sa construction mais surtout plein d’une vie et d’une joie communicatives, au point d’en être par moments émouvant. Chapeau bas Thierry !

Jean-Marie Gourreau - Critiphotodanse - 12 mars 2014

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