Les ailes d’Ariane Ascaride

Elle porte une tunique qu’elle ne quittera presque pas. Rouge, comme l’âme slave d’un père partisan. Lumineuse, comme sa pupille qui s’éclaire quand elle se raconte. Un costume de scène qui cache tous les rôles qu’elle a tenus, toutes les histoires reprises ou engendrées. Ariane Ascaride a mille vies, « se mélange » et se perd parfois. Mais elle se retrouve toujours dans « les rêves partagés d’un songe », les siens, ceux d’un ange « touché par les fées ».

Elle dit, chante et danse l’histoire d’un moment, d’un texte, d’une rencontre, qui évoluent sans cesse. Elle les appelle des « occasions ». Avignon, Paris, sur ou en dehors de scène, un événement oblige soudain à modifier le cours d’un moment, d’un texte, d’une rencontre. Ce qu’il vient alors bouleverser se loge autant dans les racines que dans les horizons, dans la réalité que dans l’illusion. Ici, un simple cauchemar ranime une émotion et une liesse d’enfant aux souvenirs des premiers rôles, une moue rassasiée au passage d’un « père qui l’a faite actrice » à un « mari qui l’a confirmée », un œil humide à l’adieu maternel, un entrain passionné face à un nouveau texte à incarner.

Car le toit de la maison d’Ariane est le plafond d’un théâtre, toujours identique et toujours différent, elle fait le choix de raconter « pas seulement une vie, mais un destin ». Son destin sur les planches. Celui d’une petite fille « touchée par la Lune » et « maraboutée », née « pantin de son père » et qui, en toute évidence, va s’attacher à tendre le fil entre lui et sa mère, ses frères, son mari, pour endosser son prochain costume de commande. Entre Médée, Célimène, Antigone ou encore Mère Courage, son cœur ne balancera pas bien longtemps : ce ne sera aucune de ses couronnes-là. Ariane leur préfèrera la liberté accordée au voile d’un songe.

- Envol d’une reine

Pour tout ancrage dans le présent de ce songe, un recours aux récits fondateurs. Ariane est au cinéma, côté public cette fois, face à l’écran. Son père imaginaire se tient assis près d’elle et tente de la mordre. Une lutte violente s’engage soudain, digne du combat biblique avec l’Ange, qu’elle gagnera, lui volant ainsi ses ailes. Pour toute fuite, Ariane rêve et s’élève déjà malgré un vertige avoué. Elle décide de partir très loin, ailleurs, « partout et nulle part », là où elle se sent bien : quelque part au milieu des mots et dans sa propre mémoire de femme-enfant persuadée qu’elle peut « changer le monde ».

Si elle se raconte, c’est pour mieux se rappeler. Elle à six ans avec ses tresses qui servaient aux adultes de poignées pour lui maintenir le front baissé ; elle à huit ans et la fin de sa « période impériale » au premier rendez-vous chez le coiffeur ; elle adolescente, entre un père coiffeur sicilien, occupé à « mettre ses enfants en scène », mais aussi grand amateur de femmes, et une mère grande collectionneuse de silences ; elle adolescente encore et ses premiers rôles d’anges « fadas », les plumes « ébouriffées par le mistral marseillais » ; elle à seize ans et son amour à sens unique pour Noureev ; elle à vingt ans et son amour éternel pour Robert Guédiguian. Et elle aujourd’hui, pleine de toutes les images et les occasions d’hier.

Elle dit avoir passé sa vie à chercher ses ailes, en « Puck », en « fille de Geppetto », en « fils d’Abraham », en « enfant perdu de Peter Pan », et sa récompense a la légèreté de la plus douce des évasions. Les mille vies d’Ariane Ascaride, sous la plume de Marie Desplechin et à la mise en scène de Thierry Thieû Niang, s’écoutent et se confondent en une seule expression de visage, pour l’envolée unique et multiple d’une « Reine des fées ».

Cathia Engelbach - Théâtrorama - 11 mai 2015 / Photo JL Fernandez

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