Les jeunes pousses de Thierry Thieû Niang prêtes à l’envol

Ouvrir les bras, étreindre, soutenir, protéger… Au cœur, spectacle de Thierry Thieû Niang pour douze adolescents amateurs âgés de 8 à 18 ans, pose une cape de bien-être sur le plateau. Elle tombe et enveloppe comme un cocon sans jamais peser sur les épaules. Une texture fine, avec juste ce qu’il faut d’espace entre les mailles pour respirer.

Chorégraphe et metteur en scène à part, Thierry Thieû Niang est d’abord un partisan de la méthode douce. Sympathie et empathie exponentielles pour rencontrer des danseurs professionnels et amateurs toutes générations confondues, avec lesquels il partage un moment. Qu’il s’agisse de seniors pour Du printemps… (2011), avec Patrice Chéreau, ou d’autistes pour Au bois dormant (2008), il progresse à l’aveugle mais sait où il va. Aucune certitude à la clé, sauf celle d’entrer en contact et de comprendre l’autre. Aucune projection spectaculaire, sauf celle qui va finir par advenir naturellement sur scène avec sa « tribu ».

Auprès de la petite troupe d’enfants et d’adolescents d’Avignon rencontrés en décembre 2015, il a fouillé des thèmes comme la peur, la chute, faire le mort, se relever… « C’était juste après les événements de novembre, explique-t-il. J’ai cherché avec eux ces mouvements individuels et collectifs, ces élans vers le haut… Nous avons travaillé sur le poids et l’envol, chanté aussi des berceuses… » Il a peuplé la scène de jouets, a appelé à la rescousse l’écrivain Linda Lê, originaire du Vietnam, la chanteuse Camille qui a fait vocaliser les interprètes en canon – et c’est très beau ! –. Il a tissé des liens entre tous et chacun pour fourbir cette équipée de jeunes d’aujourd’hui entre tiraillements intimes et flux migratoires extérieurs. Des secousses qui filent la frousse dans un monde instable.

Une présence sobre

Thierry Thieû Niang est un carrefour à lui tout seul. Son nom l’indique : toutes les couleurs (ou presque) s’y mélangent. Du côté maternel, la blondeur alsacienne et les yeux clairs, du côté paternel, un grand-père sénégalais et une grand-mère vietnamienne. « Je suis le fruit d’un orgasme colonial ! », blague-t-il à moitié sans avoir peur des mots même si c’est « too much ». Autant dire que la cartographie de ses racines et désirs lui a fait traverser la planète en long, en large et en travers. Il a d’ailleurs accolé le nom Thieû à Niang au milieu des années 1990 après un voyage au Vietnam.

D’abord instituteur, puis psychomotricien, il bascule dans la danse à l’âge de 23 ans. Peu à peu, il se forme comme interprète auprès de Christine Gérard, Odile Duboc, Daniel Larrieu… et crée ses premières pièces à partir de 1993. Au théâtre, il devient le complice de Patrice Chéreau pour la mise en scène de La Douleur de Marguerite Duras en 2009 et de La Nuit juste avant les forêts, de Bernard-Marie Koltès en 2011. Il tire des bords entre spectacle vivant, cinéma, arts plastiques, entouré de personnalités-amies comme Audrey Bonnet, Anne Alvaro, Valéria Bruni Tedeschi, Marie Desplechin, Ariane Ascaride… Avec les deux dernières, il présente, également à Avignon mais dans le festival off, un spectacle intitulé Touchée par les fées, interprété par Ascaride.

Touchés quant à eux par la grâce, avec beaucoup de gravité, les jeunes gens de Au cœur affirment une présence sobre. Fonceurs et fragiles, ils trouvent dans le geste de Thierry Thieû Niang un ciment malléable pour consolider leur esquif sans qu’il perde sa souplesse au milieu du chaos actuel.

Rosita Boisseau - Le Monde - 11 juillet 2016 / Photo Anne-Christine Poujoulat - AFP

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