Voici mon cœur, c’est un bon cœur

D’après « Vent sacré », anthologie de la poésie féminine contemporaine amérindienne, spectacle d’Anne Alvaro, Nicolas Daussy et Thierry Thieû Niang

Des lumières chaudes, tout paraît calme, en attente… Pour unique décor, un banc, quelques instruments de musique et un tissu violet jeté au sol. Côté jardin, Anne Alvaro s’avance lentement puis s’arrête face public, et de sa voix singulière, lance : « Bien sûr, vous pouvez me poser une question personnelle ! » Question personnelle en prologue comme une adresse directe, légèrement teintée d’ironie, au public. Un texte de Diane Burns poétique ouvre le bal ! Et, nous sommes conviés à une cérémonie avec une grâce sans pareille, une simplicité et une intensité dans les thèmes abordés, pleine de poésie, et politique, en l’honneur des femmes amérindiennes d’hier et d’aujourd’hui.

Le spectacle participe d’un bouquet de poèmes chorégraphiés et d’une parole dramatique proférés par Anne Alvaro, dansés par Thierry Thieû Niang et mis en musique par Nicolas Daussy. Écrits pour la plupart par des autrices amérindiennes, ces poèmes nous bouleversent, et nous emmènent dans des pays lointains : « Quand nous faisons l’amour dans le monde-fleur, mon cœur est suffisamment près pour chanter au tien dans une langue qui n’a pas cours chez les mots humains maladroits ». (Joy Harjo). Et, à cette profonde émotion, s’ajoute une dimension esthétique et éthique. C’est là aussi la force et la beauté de ce spectacle : au moment où cette parole venue d’une autre culture, évoque de plein fouet et met en résonance le monde des traditions et des savoirs archaïques ou/et ancestraux, avec notre monde, celui de la consommation, du simulacre, et du capitalisme qui a sauvagement tout uniformisé : « Helen ne peut pas croire qu’elle est belle.
 (…) Que ses cheveux épais dansent comme la rivière.
 Que son corps épais parle une langue qu’on lui a volée. (…) Elle n’embrasse pas. Parle peu. Se prend en photo pour s’assurer qu’elle existe. Se prend en photo pour se prouver qu’elle est vivante. Helen se prend en photo. » (Beth Brant).

Intelligence et délicatesse dans le choix des textes et mise en scène sobre : le public écoute avec attention cette écriture diversifiée. Sont ici évoquées des traditions poétiques féministes et de justice sociale, comme la lutte d’Annette Arkeketa pour les droits des autochtones selon laquelle « La poésie et la beauté de la vie sur terre tout simplement sont ce qui guide mes pas vers un monde meilleur ». Ou selon Joy Harjo : « Je crois fermement que j’ai une responsabilité envers toutes les sources que je suis : à tous les ancêtres passés et futurs, à mon pays d’origine, à tous les endroits où je m’aborde et à moi-même, à toutes les voix ».

Le spectacle de ces artistes et poètes que sont Anne Alvaro, Nicolas Daussy et Thierry Thieû Niang, est aussi un hymne à la puissance et à la beauté du langage. Une création, riche sur les plans artistique et socio-politique, qui nous fait rêver, réfléchir et nous libère, et qui rappelle aussi notre besoin de mémoire, de transcendance et de mystère…

Élisabeth Naud - Théâtre du Blog - 16 avril 2018 - Photo Pascal Victor

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